Transplantation deuxième volet: les cellules de la peau reprogrammées – l’étude de Kyoto

Transplantation de cellules et maladie de Parkinson: passé, présent et futur

Transplanter des cellules directement dans le cerveau pour essayer de soigner et améliorer les symptômes de la maladie de Parkinson est à l’étude depuis les années 80.  Des résultats mitigés et contradictoires ont pendant longtemps mis en doute la faisabilité de cette technique.

Cette dernière décennie, l’amélioration de la technologie et de la connaissance  ont conduit différentes équipes de recherche à revaloriser cette option thérapeutique dans le but de traiter et améliorer les symptômes de la maladie.

Dans les prochaines semaines nous vous vous présenterons 3 projets, utilisant des approches différentes, et vous expliquerons leur objectif et leur intérêt pour les personnes atteintes de la maladie de la Parkinson.

Le deuxième volet porte sur l’ETUDE DE KYOTO;

CELLULES DE LA PEAU  REPROGRAMMÉES – L’ETUDE DE KYOTO

Publiée le 20 décembre 2021

CONTEXTE
Depuis maintenant une dizaine d’années, les scientifiques s’intéressent à la transplantation de cellules dopaminergiques dans le cerveau de personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans le but d’améliorer les symptômes moteurs associés à la maladie. Obtenir des neurones dopaminergiques humains représente un vrai défi et différentes pistes de développement sont à l’étude. Le projet TRANSEURO (cf article « Projet TRANSEURO : remplacer les cellules dopaminergiques du cerveau chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson ») exploite l’utilisation de cellules dopaminergiques fœtales. Néanmoins, comme indiqué, l’utilisation de ces cellules soulève de nombreux problèmes éthiques et logistiques. Une autre piste étudiée par la communauté scientifique évalue l’utilisation de cellules souches*, cellules qui sont indifférenciées*, et donc capables de se multiplier à l’infini (potentiel d’auto-renouvellement illimité) et de donner naissance à tous les types de cellules de l’organisme (pluripotence).

Deux types de cellules souches sont principalement utilisées par les chercheurs : 1) les cellules souches embryonnaires et 2) les cellules souches induites.

Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur des embryons surnuméraires obtenus lors de fécondations in vitro et peuvent être maintenues « vivantes », en culture, en laboratoire. Dans des conditions adéquates, ces cellules souches se multiplient spontanément en conservant leur état indifférencié. En modifiant les conditions de culture, il est possible de leur donner les indications pour se transformer en neurones dopaminergiques. Il est donc possible, en laboratoire, de transformer des cellules indifférenciées n’ayant pas une fonction précise, en cellules différenciées possédant une fonction spécifique, dans le cas qui nous intéresse, produire de la dopamine. C’est bien sûr un mécanisme complexe et qui prend du temps.

Les cellules souches induites sont quant à elles obtenues à partir de cellules adultes différenciées* (comme par exemple des cellules de peau). Il y a ici une étape supplémentaire car il faut en premier transformer les cellules différenciées en cellules indifférenciées. Ceci est possible en modifiant les conditions de culture. Aujourd’hui, à partir d’une simple biopsie de peau, les chercheurs sont capables d’obtenir une culture de cellules de peau, puis en modifiant les conditions de culture, de transformer ces cellules de peau d’abord en cellules pluripotentes puis en neurones dopaminergiques. A partir d’une cellule souche il est donc possible de générer en laboratoire une quantité illimitée de neurones dopaminergiques et ainsi créer des banques de cellules.

La création en laboratoire de neurones dopaminergiques à partir de cellules souches embryonnaires ou induites est un réel progrès. Toutefois, c’est un processus complexe qui comporte des inconvénients. Il existe un risque important de multiplications anormales et de formation de tumeurs après transplantation. De nombreux contrôles et expériences sur des modèles expérimentaux animales de la maladie sont nécessaires pour assurer la qualité des cellules « reprogrammées » et obtenir une approbation pour une utilisation chez l’homme. C’est un processus long et complexe qui peut prendre plus de 10 ans.

OBJECTIF DE LA RECHERCHE
Le Japon est à l’avant-garde du développement de la transformation de cellules de peau en cellules dopaminergiques. Les chercheurs japonais sont les pionniers de cette technologie et possèdent l’expériences et les compétences pour évaluer la sécurité et l’efficacité de cellules dopaminergiques obtenues en laboratoire. Une étude en cours à l’hôpital de Kyoto (Japon) prévoit d’implanter des neurones dopaminergiques, issus de cellules souches dérivées de cellules de peau, chez 7 patients parkinsoniens1. Le protocole prévoit une transplantation bilatérale (c’est-à-dire une transplantation dans chaque hémisphère du cerveau) de cellules dopaminergiques dans le putamen*, zone du cerveau impliquée dans le contrôle des mouvements.

Une première personne atteinte de la maladie de Parkinson a été opérée en 2018. Le protocole de recherche validé par les autorités de contrôle japonaises prévoit, pour cette première personne transplantée, une période d’observation de 6 mois après la première transplantation dans un hémisphère avant de procéder à l’injection dans le deuxième hémisphère. Cette période d’observation permettant de mettre en évidence et étudier l’éventuelle apparition d’effets indésirables liés à la procédure. Selon nos dernières informations, au moins deux personnes ont déjà complété la procédure, mais aucun résultat permettant de connaitre la tolérance et l’efficacité des transplantations n’est encore disponible.

CONCLUSION ET IMPACT POUR LA MALADIE DE PARKINSON
L’étude de Kyoto marque une étape importante car c’est la première fois que des neurones dopaminergiques issus de cellules de peau sont transplantés chez des personnes ayant la maladie de Parkinson. L’utilisation des cellules souches pour la création de neurones dopaminergiques en laboratoire est une avancée prometteuse qui permettrait de palier les contraintes éthiques et techniques liées à la manipulation de cellules fœtales.

C’est donc une étude qu’il sera intéressant de suivre dans l’avenir.

1Takahashi, Jun. « IPS Cell-Based Therapy for Parkinson’s Disease: A Kyoto Trial ». Regenerative Therapy, vol. 13, mars 2020, p. 18‑22.

Glossaire
Cellules souches* : cellules indifférenciées, capables de s’auto-renouveler, de proliférer et se différencier en des cellules matures spécialisées.
Cellules indifférenciées*: cellules capables de se différencier en toutes les cellules de l’organisme.
Cellules différenciées*: cellules spécialisées qui remplissent une fonction unique.
Putamen* : région du cerveau atteinte dans la maladie de Parkinson. Elle est impliquée dans la régulation des mouvements et l’influence de différents types d’apprentissages.

Texte rédigé par Sarah Brosse, mis en ligne le 20 décembre 2021
Sarah est doctorante en sciences biomédicales au sein du laboratoire de neuroanatomie chimiosensorielle à l’Université du Québec à Trois-Rivières (Canada). Son projet doctoral porte sur l’étude de la chimiosensation dans la maladie de Parkinson, et plus précisément, sur l’étude du système trigéminal comme marqueur précoce de la maladie.
Durant ces prochains mois Sarah nous proposera régulièrement des textes destinés au grand public sur les avancées de la recherche. Restez attentif et visitez régulièrement notre page d’accueil.

Si vous avez des questions sur cet article n’hésitez pas à contacter France Parkinson (scientific@franceparkinson.fr) ou Sarah Brosse (sarah.brosse@gmail.com).

 

 

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