L’alimentation
Les troubles de la nutrition et la maladie de Parkinson
Par Claire Trémolières diététicienne nutritionniste, hôpital Henri-Mondor, service de neurologie.
Le rôle de l’alimentation chez les patients atteints de la maladie de Parkinson est primordial. Son impact est souvent pris en compte tardivement, alors qu’une perte de poids importante ou d’autres complications ont déjà modifié la qualité de vie du patient. Il est donc essentiel de bien accompagner le malade pour limiter les éventuels problèmes inhérents à la maladie et à ses traitements, comme une perte de poids due à la dénutrition, la constipation ou les troubles de la déglutition.
La dénutrition
S’installant doucement en marge de la maladie de Parkinson, la dénutrition correspond à un état pathologique dû à un déficit prolongé en apports nutritionnels (protéines, nutriments) en comparaison des besoins de l’organisme. Elle se caractérise par une perte de masse musculaire et souvent de masse graisseuse.
Lévodopa et protéines
Les protéines sont indispensables au maintien d’un bon état nutritionnel. Présentes dans la viande, les œufs, le poisson, le lait et les produits laitiers, elles assurent un apport calorique et jouent un rôle dans la construction des tissus musculaires et dans la cicatrisation.
Elles sont également impliquées dans la réponse immunitaire. Dans la maladie de Parkinson, la dénutrition peut être un effet secondaire du traitement, car la lévodopa entre en compétition digestive avec les protéines alimentaires, ce qui entraîne une mauvaise absorption du traitement et influe sur son efficacité. Certains patients adoptent alors un régime non adapté avec une réduction des apports en protéines en proportion de leurs besoins nutritionnels. Ils s’exposent donc involontairement aux conséquences de la dénutrition. Il est important de noter que cette compétition digestive ne concerne pas tous les patients.
Un en-cas sans protéines ?
La prise de la lévodopa peut se faire en dehors des repas. Si vous observez un inconfort digestif, vous devrez alors l’accompagner d’un en-cas : une compote, une pâte de fruits, un fruit, une madeleine, deux petits-beurre, deux biscottes. Ces en-cas peuvent également être pris lors d’une sensation de faim proche de la prise du traitement.
En cas d’interaction digestive entre les protéines et la lévodopa, il est préférable de prendre le traitement soit trente minutes à une heure avant le repas, soit deux heures après. Il sera alors mieux absorbé et cela permettra aussi de faciliter la prise des repas grâce à la diminution des blocages moteurs.
Les troubles dus à la maladie
- Les nausées, les vomissements, la modification du goût et de l’odorat, ainsi que la dépression induisent une perte d’appétit, donc une baisse des quantités d’aliments consommés.
- Les dyskinésies (mouvements involontaires non contrôlés) compliquent la manipulation des couverts et des aliments, et augmentent les besoins caloriques.
- enfin, les troubles de la salivation et la fatigue entraînent des problèmes de déglutition (dysphagie).
Que faire au quotidien ?
Déjà, il est important de bien connaître les aliments riches en protéines. Cela aide à mieux contrôler l’apport protidique tout au long de la journée. Il y a deux types de protéines :
– les protéines animales sont les sources principales de notre alimentation, car elles sont mieux absorbées par l’organisme. On les trouve dans les viandes, poissons, œufs, lait, fromages et laitages ; – les protéines végétales, présentes dans les légumes secs (lentilles, haricots blancs et rouges, pois chiche…), steak de soja, fruits oléagineux (noix, noisettes, amandes…).
Pour remédier à la diminution de l’appétit, on peut envisager d’avoir une alimentation enrichie en augmentant les apports en protéines et en énergie sans accroître le volume de l’assiette. Les besoins nutritionnels sont ainsi couverts. Pour obtenir cette « assiette enrichie », il faut donc une source de protéines et un ajout de matières grasses. L’apport supplémentaire en protéines favorisera la reconstruction musculaire et augmentera le volume calorique total.
Par exemple, dans une salade composée on peut mettre des dés de jambon et/ou de fromage, ou mélanger un œuf cru dans une purée, ou encore ajouter de la poudre de lait dans les préparations ou les laitages. Les idées sont multiples, il suffit juste de les adapter aux préférences alimentaires de chacun. L’ajout de matières grasses animales ou végétales, sans prendre beaucoup de volume dans l’assiette, accroît rapidement la valeur calorique de celle-ci. Si la dénutrition persiste, il est possible de supplémenter par l’apport de compléments nutritionnels oraux (CNo).
Ils doivent être ajoutés aux repas, mais ne les remplacent pas. Pour bien choisir ces compléments, il est préférable de demander au médecin ou au diététicien. L’objectif principal est d’apporter suffisamment d’énergie à l’organisme pour qu’il ne puisse plus dans ses réserves et que cela ne déclenche pas une altération de l’état général.
Lutter contre les nausées Lorsque l’on est sujet aux nausées, un complément calorique et protidique peut aussi être envisagé : cela permettra de proposer des quantités moins importantes qui couvriront quand même les besoins nutritionnels. Si l’on est concerné, on peut fractionner le repas : par exemple, en séparant de trente minutes chaque partie : entrée-plat-dessert. L’objectif étant d’absorber l’ensemble des repas sur la journée.
La constipation
La constipation est l’un des troubles secondaires de la maladie de Parkinson. Elle peut être expliquée par un ralentissement de la digestion, un effet secondaire du traitement, une alimentation pauvre en fibres, une diminution de l’activité physique ou une déshydratation. Les conséquences d’une constipation ne sont pas négligeables et montrent l’importance d’une prise en charge adaptée. on peut observer un ralentissement de l’absorption des médicaments et donc une moindre efficacité, une baisse de l’appétit et, pour finir, un inconfort et des douleurs abdominales.
En pratique, que faire ?
- Boire régulièrement.
- Marcher périodiquement.
- Aller au moins une à deux fois par jour aux toilettes et prendre son temps.
- Augmenter la quantité de fibres. Les légumes verts et les fruits, notamment cuits, apporteront un maximum de fibres tout en limitant la difficulté de digestion grâce à la cuisson. Les fruits secs — pruneaux, raisins secs et figues sèches — constituent également un bon apport. Dans une autre catégorie, les céréales complètes, le pain de seigle et le pain complet sont intéressants.
Les troubles de la déglutition
Ils sont définis comme une difficulté à faire passer les aliments ou les liquides dans l’œsophage. Ils entraînent un risque de « fausse route », c’est-à-dire lorsqu’un aliment ou un liquide s’infiltre dans les voies respiratoires À quoi sont-ils dus ? La déglutition implique différents mécanismes dans la bouche et l’œsophage. Dans la maladie de Parkinson, certains d’entre eux peuvent être altérés, ce qui accentue le risque de fausse route.
Parmi ces mécanismes, on retrouve :
– un manque de salive qui rend difficile la mastication et la déglutition des aliments ;
– une faiblesse des muscles des joues ainsi que de la langue, laquelle n’est plus capable de bien aplatir les aliments contre le palais et de les propulser ensuite dans l’arrière-gorge ;
– une faiblesse des muscles de la gorge qui entraîne une difficulté à faire descendre la nourriture dans l’œsophage ;
– une mauvaise coordination de l’action de ces différents groupes musculaires ;
– la fatigue peut également être en cause : un aliment ou un liquide peut être inhalé et passer dans les voies respiratoires lors d’une baisse d’attention.
Les manifestations des troubles de la déglutition sont la toux, la sensation de serrage dans la gorge, des douleurs à la déglutition ; parfois il n’y a pas de toux, c’est ce que l’on appelle une fausse route silencieuse. Ces troubles peuvent avoir des conséquences graves : peur alimentaire, dénutrition, infection pulmonaire.
En pratique, que faire ?
- Adapter les textures des aliments et les liquides. Afin de limiter les troubles de la déglutition, il est possible de modifier la texture des aliments ainsi que des boissons. Le choix de la texture est primordial. L’orthophoniste peut aider à trouver le juste milieu entre une texture trop stricte et qui pourrait entraîner un dégoût alimentaire, et une texture proche de la normale qui ne résoudrait pas le problème de déglutition.
Il y a quatre textures différentes :
– normale, pour laquelle aucun aliment n’est transformé. Un liant comme de la sauce peut aider à la mastication et à la propulsion des aliments vers l’œsophage ;
– hachée, où les aliments doivent être tendres à la mastication (pas de crudités ou de viande dure à mâcher) ;
– moulinée, où les aliments sont mous et écrasables à la fourchette ; seules les viandes mixées sont autorisées ;
– mixée, comme les purées et les compotes.
Tous les aliments doivent avoir une texture moelleuse. Une texture modifiée nécessite une attention plus particulière sur la préparation visuelle de l’assiette afin de stimuler l’appétit.
- La viscosité des liquides peut également être adaptée en fonction de la capacité de la personne à avaler. Ainsi, du plus difficile à déglutir au plus facile, peuvent être proposés : eau plate-eau chaude ou bien froide eau gazeuse- potage épais- eau épaissie-eau gélifiée L’objectif de cette modification est de stimuler le réflexe de déglutition afin que les liquides ne passent pas dans les voies respiratoires.
Aliments à risque augmenté Certains aliments, par leur texture en bouche et les capacités nécessaires à les déglutir, sont plus à risques que d’autres. Ils ne sont pas tous à supprimer, mais il est important de les connaître afin d’être attentif. En cas de difficulté, il faut modifier la texture de l’aliment (cuire, hacher, humidifier…), voire le supprimer.
La prise de poids
On parle beaucoup de dénutrition, mais certains malades se plaignent d’une prise de poids. À quoi est-elle due ? Parmi les effets secondaires des traitements, on retrouve des troubles du comportement, dont la boulimie. La prise de poids peut aussi être observée après une stimulation cérébrale profonde : la diminution des dyskinésies s’accompagne d’une baisse de la dépense énergétique. Ceci peut parfois générer une prise de poids si aucune modification des apports caloriques n’y est associée. Faut-il une prise en charge particulière ? Il n’est pas nécessaire d’entreprendre un régime particulier, mais une prise en charge diététique peut être envisagée (en milieu hospitalier ou en cabinet). Vous pouvez aussi en parler avec votre médecin traitant ou à votre neurologue.
Prendre son repas dans de bonnes conditions
Afin que la déglutition se déroule en toute sécurité, il est nécessaire de créer des conditions favorables pour la prise du repas. La posture, l’environnement et les couverts sont les éléments importants : être au calme, ne pas parler en mangeant, avoir le dos droit avec la tête légèrement fléchie vers le menton. Les couverts doivent être également adaptés.
L’alimentation participe au maintien et à l’amélioration des conditions de vie dans la maladie de Parkinson. Il est également essentiel de maintenir le plaisir de manger et de ne pas s’orienter vers un régime restrictif sans l’avis d’un professionnel de santé.
NOTES !
Les troubles de la déglutition peuvent également apparaître. Ils doivent être impérativement traités par la rééducation orthophonique. La déglutition est un mécanisme très complexe, supposant la synchronisation de nombreux muscles.nte.
Attention, un des effets indésirables du traitement peut-être la boulimie conduisant à une augmentation du poids. Si vous constatez une modification de votre relation à la nourriture (envie de grignotage, fringales…), n’hésitez pas à en parler à votre médecin.