L’exercice physique

L’exercice physique – Bouger plus pour combattre la maladie de Parkinson

Deux cents ans après la première description de la maladie de Parkinson et 55 ans après la découverte des effets positifs de la L-DOPA, les traitements pharmacologiques restent aujourd’hui la principale stratégie thérapeutique pour la maladie de Parkinson. Malheureusement, ces traitements s’accompagnent souvent de nombreux effets secondaires indésirables (nausées, hypotension, et/ou hallucinations….) et perdent leur efficacité avec le temps et la progression de la maladie. Des stratégies alternatives et complémentaires sont donc nécessaires non seulement pour réduire les symptômes et la progression de la maladie, mais aussi globalement afin de permettre une amélioration de la qualité de la vie des patients. Dans ce contexte, l’exercice physique se présente comme un allié primordial dans la prévention et le traitement de la maladie de Parkinson.

Qu’est-ce que l’exercice physique ?

On peut définir l’exercice physique comme « …(…)…une activité planifiée, répétitive dont l’objectif est de maintenir ou améliorer l’aptitude physique » (Organisation Mondiale de la Santé, OMS).

La pratique régulière d’exercices physiques et le risque de développer la maladie de Parkinson

La sédentarité et l’inactivité physique — dans la maladie de Parkinson comme dans la population générale — sont associées à un risque cardio-vasculaire accru et à une plus grande mortalité. Elles exposent à un risque de diabète, de constipation, d’ostéoporose mais aussi de dépression, d’insomnie et de troubles cognitifs.
De nombreuses études prospectives ont indiqué qu’il existe une relation inverse entre la quantité d’exercice physique et le risque de développer la maladie de Parkinson (Ascherio et Schwarzschild, 2016). Globalement, la pratique assidue d’exercices physiques modérés ou intenses est associée à une réduction de 34% du risque de développer plus tard la maladie de Parkinson.
Faire de l’exercice physique de façon régulière aurait donc une action préventive.

La pratique régulière d’exercices physiques et le patient atteint de la maladie de Parkinson

La majorité des personnes atteintes de la maladie de Parkinson adopte presque naturellement (inconsciemment) un mode de vie moins actif, plus sédentaire. Ce comportement instinctif découle vraisemblablement des symptômes moteurs, et non moteurs, caractéristiques de la maladie, et aux craintes qui leurs sont associées (peur de tomber, isolement social, etc.). Globalement on note chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson une diminution de 30% de l’activité physique comparée aux personnes non atteintes de la maladie de Parkinson. Cette relative inactivité s’accompagne d’une diminution, voire d’une perte, de la capacité à effectuer des efforts cardiovasculaires, qui s’aggrave au fur et à mesure de l’avancement de la maladie. La sédentarité pourrait ainsi être doublement néfaste car non seulement elle s’autoalimente – faire peu d’activité conduit à en faire encore moins – mais elle pourrait également accélérer la progression de la maladie (voir « Effets neuroprotecteurs » ci-dessous).
La notion d’exercice physique pour le traitement de la maladie de Parkinson apparait dès les années 50 et est alors considérée comme un appoint afin de minimiser les limites physiques imposées par les symptômes moteurs de la maladie (Bilowit, 1956 ; Doshay, 1962). Aujourd’hui l’éventail pharmacologique disponible pour le traitement de la maladie est large, mais la pratique soutenue d’exercices physiques adaptés, notamment au travers de techniques neuorééducatives, représente un outil thérapeutique complémentaire important, voire essentiel, pour toutes les personnes atteintes de la maladie de Parkinson qui ne présentent pas de contre-indications à une pratique plus intense de l’activité physique.
Les études indiquent que les exercices physiques adaptés permettent d’améliorer non seulement la mobilité, la posture et l’équilibre, ainsi que la force musculaire mais aussi, dans certains cas, les fonctions cognitives (Lauzé et al, 2016). Les effets sur certains symptômes cardinaux de la maladie, tels que la bradykinésie et le freezing restent mitigés, mais globalement une amélioration de la qualité de vie est observée.
L’approche et le type d’exercices physiques sont modulés et guidés en fonction du patient et du stade d’avancement de la maladie (Gracies, 2010).

L’exercice physique chez les patients à un stade avancé de la maladie

Pour les patients à un stade avancé de la maladie qui n’ont plus la capacité de se lever d’une chaise ou de marcher de façon autonome, l’approche de l’exercice physique se base sur l’enseignement, au patient et à son aidant, de stratégies de compensation pour minimiser les effets des limitations motrices et augmenter la sécurité au domicile. Il faut par exemple « désautomatiser » un mouvement normalement effectué de façon automatique afin de la transformer en mouvement consciemment contrôlé. Le patient peut apprendre à répéter mentalement la séquence de mouvement avant de l’accomplir. Il est surtout recommandé de ne pas effectuer plusieurs taches à la fois, comme se déplacer et parler en même temps, mais de se concentrer sur une seule tache à la fois. L’apprentissage de nouvelles stratégies requiert un important niveau d’attention et une discipline stricte de la part du patient et de l’aidant.

L’exercice physique chez les patients à un stade débutant ou modéré de la maladie

Pour les patients à un stade débutant ou modéré de la maladie qui ont gardé une capacité de déambulation indépendante associée à un niveau d’indépendance cognitive, l’activité physique se concentre sur des exercices qui permettent de stimuler certaines zones du cerveau permettant d’améliorer les capacités motrices. Il s’agit notamment d’un renforcement moteur des membres inférieurs au travers d’exercices soutenus à haute intensité sur les muscles des cuisses et des mollets. Ces activités intensives améliorent l’équilibre et la marche et diminuent la lenteur et la rigidité musculaire, et conduisent à une amélioration des scores cliniques ainsi que de l’échelle de la qualité de vie.
Les exercices en aérobie à haute intensité, comme par exemple 60 minutes de travail intense sur une bicyclette ou un tapis roulant, peuvent également avoir des effets importants sur le métabolisme, et favoriser les performances cognitives, ainsi que l’absorption et l’utilisation de médicaments comme la L-DOPA.

Effets neuroprotecteurs de la pratique d’exercices physiques réguliers : bouger plus pour ralentir la progression de la maladie ?

La notion des effets bénéfiques de l’exercice physique sur le cerveau apparait dès le début du 19ème siècle avec l’indication que l’entrainement physique porterait à une augmentation du volume et de la complexité structurale du cerveau. Aujourd’hui les évidences semblent indiquer que la pratique régulière d’exercices physiques améliore de manière significative de nombreuses capacités motrices et donc aussi la qualité de la vie des patients atteints de la maladie de parkinson. Des évidences précliniques démontrent qu’une activité physique régulière et soutenue (intense) pourrait ralentir la progression de la maladie.

Les études précliniques : effets neuroprotecteurs

L’entrainement physique chez le rat a une action stimulante sur l’afflux extracellulaire de dopamine, de glutamate et d’autres molécules neuroactives dans le cerveau; il induirait également une augmentation des récepteurs de la dopamine dans le striatum (zone du cerveau touchée par la maladie de Parkinson) favorisant ainsi l’action même de la dopamine. De nombreuses études effectuées dans des modèles animaux de la maladie de Parkinson ont montré que l’utilisation prolongée de la roue d’exercice ou du tapis roulant conduit à une amélioration des symptômes moteurs et permet également de diminuer la perte des neurones dopaminergiques chez des animaux rendus parkinsoniens (Zigmond et Smeyne, 2014). Différentes données indiquent que, chez l’animal, l’exercice physique intense permet notamment d’augmenter le niveau de facteurs neurotrophiques, tels que le GDNF (Glial Derived Neurotrophic Factor) et le BDNF (Brain Derived Neurotrophic Facteur). Ces molécules sont connues depuis longtemps pour leur actions bénéfiques dans le cerveau et, en particulier, parce qu’elles favorisent la croissance de nouveaux neurones et aident à préserver ceux qui sont déjà (ou encore) présents. De plus, l’augmentation de ces facteurs peut contribuer à promouvoir l’activité des mitochondries* et les défenses anti-oxydantes de la cellule, et à réduire la neuroinflammation§ contribuant ainsi à diminuer ou ralentir la mort cellulaire. Pour observer ces effets neuroprotecteurs il est nécessaire que l’effort soit d’intensité suffisante (>1h/jour) et soit maintenu sur une longue durée (>3 mois).
* Les mitochondries sont les « centrales énergétiques de la cellule ». Des altérations au niveau des mitochondries sont une des causes de la maladie de Parkinson.
§ La neuro-inflammation est une réaction inflammatoire qui a lieu dans le cerveau. Les études ont démontré que des phénomènes de neuro-inflammation sont présents dans le cerveau et accompagnent la perte des neurones dopaminergiques.

Les études cliniques

Des nombreux essais cliniques évaluant l’efficacité thérapeutique de l’exercice physique chez des patients atteints de la maladie de Parkinson ont été effectués, sont en cours d’analyse des résultats ou sont en phase de recrutement. Ces études sont effectuées dans des centres français (NCT02797496, NCT02816619) et au travers le monde et se basent généralement sur la pratique d’exercices physiques hebdomadaire régulière (au moins 150 minutes par semaine = 30 minutes par jour), plus ou moins intense, et sur une longue période (minimum 8 semaines). Les objectifs des différents essais sont variés et concernent notamment les effets sur les symptômes moteurs, non moteurs ou cognitifs de la maladie de Parkinson (NCT02885285, NCT02615548), mais aussi sur l’efficacité thérapeutique de différents types d’exercices (NCT02267785), et sur l’étude des mécanismes neurales associés à l’activité physique (NCT01768832). Dans certaines études, la pratique intensive d’exercices physiques est associée à une analyse par imagerie cérébrale (IRM et/ou PET) afin d’évaluer ses effets sur le niveau de dopamine dans le cerveau (NCT01835652).
Les données obtenues à ce jour indiquent que les exercices aérobies* à haute intensité chez des patients à un stade peu avancé de la maladie ont des effets fonctionnels moteurs à court et à moyen terme. On observe notamment que 1 heure de bicyclette permet d’augmenter la déambulation et réduit l’enrayage cinétique. Un entrainement aérobie de 8 semaines sur une bicyclette ergonomique, à une intensité de 130% de la vitesse de pédalage préférée, permet une amélioration des scores UPDRS (Unified Parksinson’s Disease Rating Scale). L’exercice aérobie permettrait également d’augmenter la plasticité cérébrale§ favorisant ainsi une amélioration clinique générale.
Une étude publiée récemment (Frazzita et al, 2015) a évalué la progression de la maladie chez des patients atteins de la maladie de Parkinson de novo# qui ont adhéré à un programme d’activité physique intensive multidisciplinaire d’une durée de 28 jours et répété deux fois sur une période de 2 ans par rapport à des patients de novo ne pratiquant aucune activité physique. Tous les patients étaient initialement traités uniquement avec rasagiline (Azilect) sans aucun traitement dopaminergiques (L-DOPA ou agonistes dopaminergiques). Les résultats indiquent que, après deux ans, la progression de la maladie (mesurée selon plusieurs échelles cliniques) est plus lente et l’introduction d’un traitement dopaminergique significativement retardée (75% sans traitement après 2 ans) chez les patients ayant pratiqué une activité régulière et intense.
* Les exercices aérobies, également nommés « cardio » ou exercices d’endurance, sont des exercices qui accroient les pulsations cardiaques et le souffle à une intensité qu’il est possible de maintenir confortablement pour une durée de plus que quelques minutes.
§ On appelle “plasticité cérébrale” la capacité du cerveau à modifier, remodeler ses connexions en fonction de l’environnement et des expériences vécues par l’individu.
#de novo: un patient de novo est un patient pour qui le diagnostic vient d’être posé et qui généralement n’a encore débuté un traitement pharmacologique.

Conclusion

De traitement de complément, optionnel, voire n’ayant qu’un effet « placebo », la pratique d’exercices physiques occupe désormais une place toujours plus importante et peut aujourd’hui être considérée comme un acteur fondamental dans les stratégies thérapeutiques de la maladie de Parkinson. Il existe aujourd’hui une adhésion presque générale aux bienfaits de la pratique assidue de l’exercice physique, mais un consensus sur une approche optimale doit encore être définie. Un aspect particulièrement important est d’établir s’il est plus efficace d’effectuer des exercices en phase “on” ou “off”. Des techniques thérapeutiques innovantes impliquant la réalité virtuelle, les “serious games”, la physiothérapie robotique assistée ainsi que des thérapies non-conventionnelles (boxe, arts martiaux, danse, etc..) ont également été proposées.
Le choix des « meilleurs exercices physiques » doit tenir compte de l’histoire clinique individuelle des patients, être adapté et se baser sur des objectifs précis et faisables pour les patients. Notamment, le type d’exercice, leur durée quotidienne et à long terme, ainsi que le moment le plus propice pour débuter la pratique d’exercices sont des données qui doivent être personnalisées pour chaque patient.